Sortez les fers à souder !
Derrière ce titre ragoteur se pose une réelle question. Sans tomber dans l’interminable discours quant à la survie de nos ordinateurs, tentons de faire un peu de tri entre les nombreux bruits de couloir et les informations fondées ou réfutées, que nous pouvons entendre à droit à gauche sur l’avenir du PC.
Alors OUI, Intel va commencer à souder les CPU sur les carte mères. Ce n’est plus un secret et la presse relaye l’information, notamment Canard PC : « Dès la génération suivante (Broadwell), une révolution se prépare puisque ces puces ne seront disponibles qu’au format BGA ». BGA qui rappelons le, consiste à souder les semi-conducteurs directement sur un circuit imprimé contrairement au LGA, format qui équipe pour l’instant la majorité de nos ordinateurs.
Pour saisir l’enjeu il faut se remémorer quelques points et situer le contexte. Intel produit actuellement trois types de puces, scindées en différents marchés :
- les processeurs Xeon et Itanium destinés aux serveurs ;
- les puces mobiles (concurrentes de ARM) et celles basse puissance sous architecture Atom ;
- puis les célèbres Core i, équipant les ordinateurs de bureau et les portables.
Chaque année, Intel complète son catalogue en introduisant une nouvelle série de processeurs. La roadmap du fondeur repose sur le principe de « tick tock » qui consiste à alterner : nouvelle finesse de gravure (tick) puis nouvelle architecture (tock), entre chaque génération.

Vous avez parlé d’un processeur soudé ?
Les derniers CPU en date, parus l’année dernière, reposent sur Ivy Bridge. Ce qui nous intéresse maintenant, c’est la prochaine architecture, prévue pour juin et répondant sous le nom de code Haswell. Si jusqu’ici de vilains échos nous annonçaient le passage du socket LGA vers BGA pour 2014 avec Broadwell, une récente news de HFR nous apprends que Haswell sera déjà (au moins) décliné en trois versions BGA pour desktop. Concrètement, nous pourrions trouver ce genre d’intégration dans des machines toutes faîtes. La question est de savoir quel type de machines. Parmi les trois CPU, deux sont des core i5 et l’autre un i7. Des processeurs clairement orientés usage intensif et plus à même de se retrouver dans des configurations gamer que dans un HTPC tout assemblé par un constructeur.
Pour le moment, il est peu probable que des cartes mères + CPU, soient vendues dans le commerce dès cette année. Par contre, lors du passage à Broadwell, donc au « tout soudé », nous aurons sans doute l’agréable surprise de découvrir cette forme de produit dans les boutiques :
– Ah tiens cette carte mère me plaît bien…
– 340€
– Quoi 340€ la mobo ?!
– Pas de chance garçon, y’a le dernier i7 5770R avec.
Vous voyez le genre.
Alors justement, comment appréhender le monde demain ? Qu’en sera t-il lorsque la carte mère sera défaillante ? Le marché ne va t-il pas orienter les produits vers du haut de gamme à base de OctoCoreKiKooLoL ? La situation n’étant déjà pas très glorieuse, j’imagine le pire. Pour finir, abordons les choses qui fâchent, c’est à dire les performances. Autant chez AMD que Intel, le rythme de progression tend à stagner, pour des raisons différentes cela dit. Si l’un souffre éventuellement d’une mauvaise gestion en interne et d’un budget R&D moindre, certains accusent un manque de concurrence qui ne forcerait pas le géant de Santa Clara à innover. Il est clair que la course n’est plus ce qu’elle était, remontons seulement à l’époque des Core2Duo et des mémorables Phenom, lorsque AMD pesait encore très lourd sur le marché du desktop. Il aura suffi à Intel de sortir sa première génération de Core i en 2010 pour distancer son camarade et que ce dernier ne parvienne pas à proposer une solution aussi compétitive par la suite pour que le fossé se creuse.
Adieu la puissance brute ?
Pour illustrer mes propos, j’ai rassemblé sous la forme de graphique, le gain moyen de performance entre chaque génération de processeur. Les gains proviennent tous de hardware.fr (ici, ici puis là) et synthétisent plusieurs dizaines de benchmarks orientés jeux vidéos et applicatifs. C’est sans doute la source la plus fiable et représentative. Le but n’étant pas d’obtenir des chiffres précis mais au moins un ordre d’idée. Pour revenir aux graphiques, chaque colonne correspond au gain de performance qu’apporte la génération précédente. De façon claire : l’i7 2600K apporte un gain moyen de 16.6% par rapport à l’i7 880. Il convient donc que chaque processeur sert de référence (0) pour le prochain de la liste.
Précision : l’i7 4770K n’est pas encore sorti, le pourcentage indiqué n’est qu’une estimation (fort indubitable) fournit par la presse.
Qu’il s’agisse des deux fondeurs, la courbe suit grosso-modo une évolution similaire. Petite rétrospection.
Jusqu’à il y a une dizaine d’années, chaque génération de processeur était marquée par une augmentation des fréquences. On doublait la fréquence, on gagnait deux fois plus de vitesse. Arrivé à 3GHz, la montée en fréquence a commencé à poser des problèmes d’ordre physique. Des courants de fuites trop importants, une surchauffe, une consommation qui explosait… La course aux « cœurs » a alors débuté.
Si les gains se montraient concluant au début, aujourd’hui nous en sommes en mesure de nous questionner. Ne touchons nous pas à une autre limite ? Je ne m’y connais pas assez pour rentrer dans le détail, je suis seulement en capacité d’analyser les résultats et d’émettre un possible jugement. Actuellement on s’aperçoit que la montée en fréquence n’est soit plus envisageable, soit plus souhaitée pour des questions de consommation. Quant à l’intérêt de multiplier le nombre de cœurs, il est fortement limité par la partie software. Reste l’amélioration de l’architecture et la finesse de gravure toujours plus précise qui permet d’intégrer davantage de transistors. Cependant l’évolution de ce procédé coûte cher et nécessite une chaine de production à la pointe de la technologie. Ce point soulève une énième question, celle de la viabilité du silicium dans le futur (à quand les transistors à base de graphène ou à un atome unique).
Depuis Sandy Bridge, nous assistons à une sorte d’uniformisation consistant à intégrer le maximum d’éléments dans ce que nous appelons le processeur. Le faible apport de performance sur les dernières puces de Intel, est-il d’ordre technique (une limite comme je disais ?), ou le fabricant porte t-il son attention sur d’autres objectifs ? Le besoin de disposer d’un processeur plus puissant ne se fait pas réellement ressentir pour le moment. Pas pour la majorité d’entre nous en tout cas et pour les professionnels, du matériel ou des logiciels spécifiques existent (Cuda, GPGPU…). Autre hypothèse (et c’est probable dans une certaine mesure), le manque de concurrence de la part des Verts ne pousse pas Intel à sortir son meilleur cru.
Plus simplement, l’architecture x86 ne serait-elle pas en fin vie ? J’ose poser la question, répond-elle encore à nos besoins ? Ceux de la majorité ? Je suis peut-être à coté de la plaque… Quoi qu’il en soit, Intel se dirige maintenant vers le marché du SoC, du miniature, du mobile, bref vous saisissez l’idée. De ce coté là, bien que je puisse dire des bêtises, il est certain que la puissance n’est que secondaire.
le fossé se creuse, Nico, pas le faussé.
Bon, et bien au moins on est fixés concernant les intentions d’intel… En ce qui me concerne, je ne vois aucun problème à passer chez AMD s’ils ne font pas le même coup.
Quant à la stagnation des performances des processeurs, effectivement je suis curieux de voir ce qui va se passer. Va-t-on assister à un déblocage technologique brutal grâce à des avancées en recherche fondamentale (ordinateurs quantiques, transistors de la taille de quelques atomes, ou encore biologiques…) ?
Yep merci pour la faute.
Je n’ai pas abordé ce point, mais AMD a en effet peut-être une carte à jouer sur ce coup là. Pour l’instant on ne connait pas leur intention. Il y a aussi d’autres acteurs à ne pas négliger. ARM, Qualcomm, Nvidia ou Apple peuvent changer pas mal chose.
Les trois premiers travaillent d’arrache-pied sur des SoC, notamment orientés puissance graphique et les résultats sont plutôt probant. Il est clair que l’architecture ARM va équiper la plus part des appareils mobiles de demain. Va t-il y avoir une percée dans le monde du desktop ? Techniquement des outils sont déjà en place et rien ne laisse penser que c’est impossible. On peut également citer Steam qui s’y intéresse. En parlant de Steam, il ne faut pas oublier les consoles, dont la PS4 qui ne sera autre qu’un PC à base d’un APU AMD. Certains espèrent que cette décision permettra une meilleure gestion des processeurs multi-cores dans les jeux vidéos. Les dev’ seront bien obligés d’optimiser…
Attendons steamroller et éspérons qu’il tienne ses promesses ( +30% parait-il, ce qui est assez conséquent )
> Qu’en sera-t-il 😉
Celle-ci était immanquable… je fais de mon mieux pourtant, 3 relectures complètes mais il reste toujours quelques sales fautes.
Ce n’est pas bien grave, on fait tous des fautes. Je préfère lire quelques fautes dans tes articles que des mensonges marketing 😉
Merci pour l’article 🙂
Un petit récap’ s’imposait et c’était l’occasion de divaguer un peu :). Ça permet de mettre à l’écrit quelques idées.
Je trouve vraiment dommage que les prochaines générations de proc de puisse plus se changer sans changer la carte mère… bientôt mes PC devront eux aussi se changer entièrement quand une des pièces sera défectueuse…
Le fric à court terme est donc plus important que la planète !
Je trouve se style d’article toujours aussi intéressant , la question se pose de plus en plus non pas du BGA mais des performances , Intel veut-il cette stagnation ou arrivons nous à une limite technique ?
AMD annonce +30% de performances avec Steamroller , la surprise viendrait-elle des verts ? Et non pas du géant de Santa Clara ?
Intel vise la mobilité , c’est aussi le cas d’AMD qui vas frapper fort avec Jaguar… Reste à voir se que vaut le x86 face à ARM !
Bref merci pour tes articles toujours aussi passionnant et pertinant !
Ils ont enfin trouvé le moyen de faire de la vente liée sans qu’on ne puisse s’y opposer.
Quand à la stagnation des performances, moi j’attend ça : des CPU 1000x plus puissants produits par IBM.
Je croise ponctuellement ce genre de news puis à force de nous annoncer une révolution informatique tous les mois, on commence à plus vraiment y croire. Il y aura obligatoirement, à un moment donné, l’utilisation de nouveaux matériaux par exemple, de nouvelles techniques de gravure, beaucoup parle de liaisons en fibre optique, etc… Toutes ces histoires sont la plus part fondées et intéressantes à condition de rentrer dans le détail, donc souvent assez technique, pour comprendre les enjeux de telles technologies face à celles existantes, etc.
Perso, je trouve qu’il y a déjà assez de boulot à surveiller et suivre le hardware actuel, alors si en plus on doit commencer à fouiner sur les techno futurs :D.
C’est vrai, mais le problème des technos d’aujourd’hui, c’est qu’à l’image des « révolutions » continues de chez Apple, y’a tellement rien qui change, que ça ne fait plus rêver… Entre mon MacBook de 2009 (qui a donc 4 ans) et le dernier sorti, à part l’écran Retina en plus, un lecteur DVD en moins et le port Ethernet en moins aussi (totalement merdique d’ailleurs) je pense pas que je vois une différence flagrante dans mon utilisation quotidienne, sauf peut-être quand je joue avec Première Pro ou After Effect…
*Et dans mon commentaire précédent, « quant à » et non « quand à », décidément !